Lorsque la désunion fait la force

Je réagis par la présente à l’édifiant article d’Ara Toranian, intitulé  « Pour en finir avec le soi-disant «Mouvement arménien» », publié sur le site d’Armenews en date de ce 16 février 2022. Lequel fait suite à sa «Lettre Ouverte à Nikol Pashinian», publiée 2 jours plus tôt sur le même site.

Ce sujet ne se rapporte sûrement pas à la seule communauté arménienne de France. Il concerne la Diaspora des Arméniens dans son totalité, à travers le monde entier.

* * *

Dans la situation en cause, Ara Toranian s’efforce d’établir une distinction fallacieuse entre le représentant de l’ «État arménien» auprès de la Diaspora et le chef dudit «État».

Cette feinte est évidemment illusoire, et tout le monde sait à quoi s’en tenir. Car il est impossible que Toranian lui-même, qui est loin d’être né de la dernière pluie, ne connaisse et ne comprenne pas, à ce point, à qui il a vraiment affaire.

Par contre et tout de même, il ne le comprend pas suffisamment. Puisqu’il croit ou espère encore que ce genre de stratagème pourrait faire entendre raison au principal intéressé.

Plus grave encore, il ne saisit pas la portée et la nature extraordinaires, extrêmes, sans précédent, de la Catastrophe que nous vivons. Laquelle, bien que déjà largement entamée, n’est pas encore terminée.

* * *

Le moindre élément de l’appareil « étatique » – à présente totalement détraqué – de ce semblant de pays résiduaire qu’est devenu l’Arménie, dépend de la seule volonté, unique et exclusive, d’une seule et unique personne. Sa Majesté Sublimissime, Sieur Pashinyan.

Ses sinistres ministres mêmes ne disposent pas de la moindre marge de manœuvre autonome. Ils  ne sont aussi que ses subalternes serviles, ses « pousseurs de bouton », ses poseurs de tampon automatiques.

Ses « porteurs de sac-à-dos » comme ils disent là-bas, en référence à son fameux attirail ridicule, farcesque, lors du coup d’État de 2018.

Alors, un obscur fonctionnaire comme Sinanyan prendrait des initiatives, en agissant de la sorte, en France ?

Il agit en fonction des ordres directs de Pashinyan !

Il a débarqué dans le bled concerné, en service commandé, avec la mission spécifique de faire exactement ce qu’il est en train d’y effectuer.

Cela était littéralement annoncé dans les journaux d’Arménie, avant même que Sinanyan n’arrive en France.

Tenez, voici un échantillon… en date du 5 décembre 2022 [l’Éditrice et Rédactrice et chef de ce journal est la belle-maman d’un certain Alain Simonyan… Le président actuel de l’Assemblée machin de l’Arménie. L’un des sbires les plus proches de Pashinyan] : 

Mais encore faut-il lire, des journaux d’Arménie… Un ou deux… De temps en temps… Un peu…

Directement, et en version originale, cependant… Et non pas par le biais intensément biaisé de « journalistes encartés », qui ne sont, manifestement, que des activistes zélés, genre plus-pashinyaniste- que-ça-tu-meurs. Tu t’immoles devant son Autel. Mais en attendant, tu rêves de décrocher un job de « secrétaire de Presse » auprès d’un ministère « révolutionnaire ». Le complexe de Mai-68 (entre autres) s’aggrave, grave, avec l’âge…

Prétendre que non, Pashinyan n’est pas au courant de ce que Sinanyan est en train de faire en France, relèverait d’une candeur qui serait incurable, même en cultivant son jardin, main dans la main avec Cunégonde. Mais je vois mal Toranian, dans cette posture…

Difficile, aussi, d’éviter la réminiscence tragique-comique de ce que Krikor Zohrab aurait dit à ses co-détenus, lorsqu’ils sont venus l’amener, dans la nuit du 24 avril… «Camarade Talaat ne doit pas être au courant… ne vous en faites pas, dès qu’il apprendra, il viendra nous sauver… »

* * *

En tant qu’un élément fondamental de la susdite Catastrophe toujours en cours, le régime politique actuel en Arménie, en pleine connaissance de cause, a sciemment et fermement décidé de mettre de côté, de dénigrer, de décrédibiliser et ultimement de détruire toutes les structures représentatives dites «traditionnelles» de la Diaspora Arménienne.

Et ce, en établissant et en privilégiant des rapports avec d’autres groupes, organismes et associations de personnes d’origine arménienne vivant dans divers pays du monde.

Quitte à créer de toutes pièces de nouvelles organisations, à cette fin.

Il n’y a rien de caché, rien de secret, dans cette politique. Pour peu que l’on veuille bien écouter et lire, sans candeur – feinte ou réelle -, les propos des dirigeants actuels de l’«État arménien».

Le fameux marteau menaçant que Pashinyan a brandi tout au long de sa campagne électorale, pour mieux symboliser son régime, ça devait être une boule de démolition. Mais la grue était difficile à déplacer.

(Félicitations à Ara Toranian, au fait, pour avoir contribué, avec son proche entourage de NAM, à la réélection de l’incarnation suprême de la Défaite, de la Honte, de l’Humiliation et de l’Opprobre des Arméniens, derrière le gouvernail en miettes de ce qui n’est plus – grâce au même individu exceptionnel – qu’une piteuse épave à la dérive appelée «Arménie». Tout ce beau monde peut revendiquer l’insigne honneur d’avoir fait sa part, dans cet exploit exceptionnel – dont ils assumeront cependant, sans nul doute, toutes les conséquences désastreuses subséquentes, encore à venir -.

Et nous pouvons tous nous vanter, en bombant le torse, d’être le seul peuple au monde, à avoir fait une telle chose. Bravo!

Quant aux bobards bourrés de clichés vides et des histoires à dormir debout, au sujet de la démocratisation, des libertés, de l’éradication de la corruption, etc., dans cette « Nouvelle Arménie » – qui est certainement nouvelle, oui ça, rien à dire, au niveau de sa superficie territoriale… -, elles sont manifestement destinées à des lecteurs et un auditoire qui ne connaissent pratiquement rien de la réalité en cause, ou qui font semblant de ne rien voir ni entendre à cet égard – par pudeur très mal placée, par complicité odieuse, ou par des calculs et intérêts personnels innommables en l’instance – .

Mais les Turcs sont sûrement très, très inquiets, de voir que nous les battons à plate couture, sur ce terrain. Celui de la propagande crâneuse. Des Relations Publiques.

Nous sommes imbattables dans le combat des mots. Eux, ils doivent se contenter d’être victorieux sur le champ de guerre seulement, les pauvres…

L’opinion publique internationale – s’il en est – est de notre bord ! Nous sommes les bons, ils sont les méchants, nan !

Nous, nous planons dans les plus hautes sphères des plus Grandes Idées Universelles. Eux, leurs avancées ne sont que territoriales, peuh…

Tout ce que eux, ils arrivent à conquérir – comme ils veulent, quand ils veulent et autant qu’ils le veulent – ce ne sont que nos terres. Nous, nous sommes assurés de conquérir toujours le cœur des bons êtres humains, la sympathie de l’Humanité.

Non, c’est pas grave s’ils ont l’Occident entier pour allié militaire, politique et économique. Dans le fond, le même Occident nous aime éperdument, ses dirigeants n’arrêtent pas de faire des déclarations très bienveillantes, parfois même enflammées, passionnées, en ce sens.

Mais qu’est ce qu’ils doivent être inconsolables, les Turcs, quand même…

Ils font pitié, tiens.

* * *

Par contre, Ara Toranian se trompe partiellement, en estimant que dans cette attaque en règle de Pashinyan contre le CCAF, la véritable cible, ce serait seulement la FRA.

Il y a une deuxième cible aussi : l’UGAB. Laquelle a exprimé la même position que la FRA, à l’encontre du régime en question, suite à la perte de l’Artsakh et l’invasion subséquente de l’Arménie.

Certes, l’UGAB n’étant pas une organisation politique, elle s’est tue, par la suite.

Mais le chef de l’«État arménien» actuel ne pardonne pas, jamais, ce genre d’affront inconcevable à son égard. Car c’est un crime de lèse-majesté. Le Code suprême de la Mafia, seule Constitution réelle et unique Règle de Droit immuable en ces frustes contrées, est également très clair en l’espèce.

Il n’y a pas d’État arménien, dans ce sujet. Mais plutôt un éminent énergumène, qui croit que « l’État, c’est lui ». Une conviction qui s’est avérée exacte dans les faits, jusqu’ici. Sauf la fâcheuses résistance de quelques trouble-fêtes inopportuns. Dont la FRA…

Mais cette politique de Pashinyan ne relève pas seulement de sa mégalomanie inouïe, ni de ses tendances psychopathes évidentes.

C’est aussi une question de planification.

Il sait qu’il ne peut pas, qu’il ne plus compter sur la FRA, ni l’UGAB. Et que ces organisations – mondiales –, avec les quelques autres institutions arméniennes traditionnelles que l’on sait mais qui sont ici hors sujet, constituent des obstacles réels à son programme, à ses projets.

Il faut donc les neutraliser.

Bring it on, Líder Supremo !

Give it your best shot, allez…

* * *

Par ailleurs, en lisant dans l’article susmentionné que ce procédé de destruction du CCAF par le régime actuel de l’Arménie, étant lié au conflit de celui-ci avec la FRA, équivaut à « jeter le bébé avec l’eau du bain », on ne peut s’empêcher de sourire, doucement.

En effet, pour Nikol Pashinyan, le « bébé » dont il veut disposer en l’occurrence, c’est la FRA – et l’UGAB -.

L’eau du bain, c’est tout le reste…

Alors, sans s’énerver outre mesure, pour ceux et celles qui seraient encore intéressés par ce pays appelé « Arménie » (enfin, par ce qu’’il en reste …), il convient de s’adapter simplement à la réalité. Une réalité que nous n’avons jamais vécue auparavant.

Il ne s’agit pas pour autant d’une nouvelle réalité. Car c’est nous tous qui vivions dans nos illusions – chacun, les siennes -.

Nikol Pashinyan a le mérite de dévoiler enfin la réalité au grand jour, pour tout le monde.

En conséquence, pour ce qui est par exemple du CCAF, son dirigeant chevronné qui, après tout ce qui vient de survenir depuis bientôt 4 ans, sert encore du « je suis moi-même l’un de vos sympathisants déclarés et (…) j’ai très régulièrement pris votre parti, en particulier quand la FRA demandait votre démission », à Monsieur le Premier ministre, qu’il prie de bien vouloir « agréer l’expression de [sa] haute considération », et bien, il ne lui reste plus qu’à aller se joindre au « Mouvement Arménien ».

Afin de servir ainsi, adéquatement et convenablement, le régime actuel en Arménie. Sur la base de l’impressionnante Convention formelle que ledit Mouvement vient de signer avec le représentant officiel de l’ « État arménien ».

Quitte à ne pas y obtenir le titre de Président, cependant.

Un sacrifice personnel certainement insignifiant, lorsqu’il s’agit de servir les Valeurs Sacrée et Absolues de la Démocratie, des Droits et Libertés, de la Bien-Pensance Ultra-Libéraliste et autres Sorosseries flamboyantes, dans ce qui est devenu depuis 2018 le Phare éblouissant même de tout cela, et plus encore!, dans tout le Caucase du Sud.

Quant à la FRA-Section de France, ce « bébé » de 131 ans jeté avec l’eau du bain par Nikol Pashinyan, eh bien, elle tentera de survivre, la pauvre, à cette destruction programmée du CCAF…

Et grâce à cette heureuse tournure des événements, dorénavant, le représentant régional inamovible de ce Parti n’aura plus besoin de faire de déplorables contorsions acrobatiques, au nom d’une union communautaire artificielle.

Par exemple, il n’aura plus besoin de se faire prendre en photo, fièrement campé aux côtés du Ministre des Affaires Étrangères d’un « État arménien » qui, après avoir perdu l’Artsakh et transformé l’Arménie en passoire turque, est engagé dans un processus de réconciliation avec la Turquie, sur le dos de nos martyrs.

Alors que le même dirigeant de la FRA avait si vaillamment conspué Serge Sarkissian, devant la statue de Gomidas, en 2009, pour cause de « Protocoles» arméno-turques. Alors qu’il existait au moins un Artsakh libéré, à l’époque… Si nous avons encore le droit d’évoquer cela; d’appeler cela une “libération”, même pour le passé; sans effaroucher Pashinyan et consorts, et mettre en grave péril le semblant de pays qu’ils prétendent diriger à présent.

Au fait, la fameuse trouvaille du «ah mais, attentiooon!, normalisation ne signifie PAS réconciliation!! » est une autre perle, que nous lisons souvent dans une certaine presse… L’émoji du rond visage jaune qui s’esclaffe (au point d’en pleurer) est inventé pour ces cas- là.

Quelque chose me dit que l’UGAB survivra aussi au CCAF…

Quant à l’ « eau du bain » du CCAF, elle ira enfin constituer un franc apport au moulin de Pashinyan. Tout près des bains turcs.

* * *

Bref, un grand merci audit Pashinyan. Pour avoir balayé toutes nos illusions, en instaurant enfin la clarté, la franchise et la vérité, dans le Monde Arménien.

Se voulant “lion” à l’interne, se comportant comme un agneau à l’externe, il n’y a que son foutu Trône qui l’intéresse, notre Napoléon en mini-miniature. Même lorsqu’il ne règne plus que sur un champ de ruines fumantes, sur un sol imbibé de sang, sur un amas de cadavres dont, 15 mois après le cessez-le-feu, on recherche et ramasse encore les restes putréfiés.

Au fait, contrairement à notre pingouin, le susdit grand Petit Tyran français aura été au moins vertement évacué par son peuple, après son Bérézina. Et ce, alors que lui, au préalable, avait remporté des victoires significatives.

Pashinyan a cru, et il croit toujours, que notre désunion fait sa force. Erreur fatidique.

Dès son accession au Pouvoir, Pashinyan a déclenchée une désintégration nationale extrême, sans précédent, au sein du Monde Arménien, qu’il a par la suite constamment entretenue, intentionnellement alimentée. En y prenant un plaisir maladif.

Conjuguées à d’autres fautes fondamentales de sa part, cette implosion indicible et continuelle aura certes constitué une considération importante, dans la décision de l’ennemi de nous attaquer. D’une manière telle, qu’il n’avait encore jamais osée, depuis ce qui avait été notre victoire.

Cette même politique de désintégration nationale intégrale aura servi aussi à Pashinyan, lors de ses élections soi-disant « démocratiques » de 2021; qui lui ont permis de maintenir son Pouvoir, et de continuer à le mener résolument vers un totalitarisme de plus en plus difficile à camoufler – ou à faire semblant de ne pas remarquer, dans le cas de ses complices, acolytes ou comparses des pays étrangers, incluant ceux d’origine arménienne – . 

Pour ce qui est cependant de son « mandat du peuple », dont il se gargarise à souhait – ce qui n’améliore pas pour autant le timbre insupportable de sa voix -, notons qu’au niveau de l’électorat, compte tenu de l’abstention, et malgré toutes les tricheries éhontées, il n’aura obtenu que 26% des voix éligibles; et pour se qui est de représenter les Arméniens dans leur ensemble, moins de 700 000 électeurs auraient voté pour lui – dans des circonstances hautement douteuses – , sur un total de quelque 10 millions d’Arméniens dans le monde.

Mais à présent, alors que la Résistance s’organise, cette même désunion n’est pas une mauvaise chose.

Elle permettra plutôt à chacune de nos quelques composantes réelles et viables, de retrouver la pleine mesure de sa force. Sans plus la gaspiller inutilement, dans un vain effort d’union pan-arménienne imaginaire.

Me Haytoug Chamlian

16 février 2022

[N.B. Je tiens à préciser que, quant à moi et de mon côté, je conserve ma confiance, mon respect et mon estime personnelle envers Ara Toranian; et ce, en dépit de nos divergences importantes au sujet de l’Arménie, depuis le printemps de 2018; je considère qu’il a fait simplement fausse route en cette matière, hélas; H.C.]

«doukhov»…

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